Histoire politique et juridique du pays :
Des formations politiques ont existé en Algérie depuis l’époque antique. Aux IV et IIIe siècle avant JC émergent plusieurs royaumes berbères auquel succède le royaume plus connu des Numides (202-46 av. JC). Le Royaume Numide, qui se retrouve au milieu d’une querelle entre Carthage et Rome lors des guerres puniques, établit des alliances avec les deux puissances. En 46 av. JC, la Numidie est finalement annexée par Rome. A terme, celle-ci divise l’Afrique du Nord en trois provinces, la Maurétanie Tingitane, la Maurétanie césarienne et l’Afrique proconsulaire.
Au Ve siècle, dans le contexte des invasions de tribus germaniques en territoire romain, les Vandales et les Alains traversent le détroit de Gibraltar et s’installent en Afrique du Nord (429-533).Un siècle plus tard, l’Empire Byzantin, lance une tentative de reconquête des territoires romains d’Afrique, mais ne parvient pas à rester durablement dans la région.
Suite aux conquêtes arabes menées par Oqba Ibn Nafi au VIIe siècle, l’Algérie devient le terrain de l’extension des sphères d’influence diverses, d’abord Ommeyade à partir de 682 puis Abbasside à partir de 750.
A la fin du VIIIe siècle, la région est sujette à une insurrection chapeautée par les berbères contre l’Empire Abbasside et son allié Aghlabite en Tunisie. Cette insurrection donnera notamment lieu à l’essor de la dynastie Rustémide (777-909). La région se retrouve par la suite sous domination Fatimide, qui délègue son pouvoir à la dynastie des Zirides en Afrique du Nord (909-1171). Elle resta le terrain de l’influence de diverses dynasties jusqu’à la chute de l’Empire Fatimide à la fin du XIIe siècle.
L’Algérie commence à acquérir une certaine unité politique à partir du XVIe siècle, avec l’arrivée de corsaires turcs, qui y débarquèrent en réponse à la prise d’Oran et de Béjaïa par les Espagnols. En 1518, elle est rattachée à l’Empire Ottoman et devient une province autonome de l’empire Ottoman avec à sa tête un « Dey » qui disposait d’un appareil administratif (« beys ») et militaire (milices de janissaire). C’est à partir de cette période que l’on commence à délimiter le territoire algérien et soumettre les tribus et seigneurs. En 1711, le dey algérien s’émancipe de l’autorité de la Sublime Porte et acquiert une certaine autonomie.
A la fin des années 1820, suite à une crise diplomatique entre la France et le Dey d’Algérie à cause d’une dette non payée, la France part à la conquête de ce territoire. En 1830, une expédition française débarque à Sidi Ferruch et renverse le Dey d’Alger. Une résistance organisée émerge alors, notamment avec le leadership de l’Emir Abdel Kader, qui en 1832, déclare le djihad contre la France et l’oblige à reconnaître ses possessions. En 1848, l’Algérie est officiellement annexée par la France et devient subdivisée en trois départements administrés par des préfets : Alger, Oran et Constantine. Au niveau juridique, les populations autochtones sont régies à partir de 1881 par le code de l’indigénat, qui dissocie la citoyenneté de la nationalité. Ainsi les algériens sont considérés comme sujets français mais sont privés des droits de citoyen.
Ce n’est qu‘au terme d’une guerre meurtrière (1954-1962) que l’Algérie accède à son indépendance. Cette guerre, qui fait selon les nationalistes algériens 1 million de martyrs, marquera durablement la mémoire algérienne et constituera un élément essentiel de son identité nationale. A partir de 1962, le Front de Libération Nationale (FLN) s’impose comme parti unique et étend son contrôle sur la vie politique, économique et sociale. Une Assemblée constituante désigne Ahmed Ben Bella comme Chef du Gouvernement. La première constitution algérienne est adoptée en 1963. Elle adopte un régime présidentiel avec parti unique.
A l’Indépendance du pays en 1962, les dirigeants de l’Etat algérien hésitent dans un premier temps entre l’établissement d’une continuité ou d’une rupture par rapport à l’ordre juridique hérité de la colonisation française. Un régime juridique républicain est mis en place jusqu’en 1965 où, cette année là, le Colonel Houari Boumediene renverse le président de la République Ahmed Ben Bella et instaure un régime militaire avec à sa tête un Conseil de la Révolution et en gouvernant par « ordonnances » jusqu’en 1976. Durant cette période, Boumediene reste fidèle à l’idéologie inspirée du socialisme tout en réaffirmant l’identité musulmane de l’Algérie. En 1973, l’Algérie assume le leadership du Mouvement non aligné puis en 1976 adopte une Charte Nationale qui affirme le caractère socialiste de l’Etat. En parallèle, Boumediene nationalise les hydrocarbures, investit dans l’industrialisation du pays et soutient les mouvements nationalistes africains, tels que le Front Polisario au Sahara occidental.
Boumediene décède en 1978 et son successeur Chadli Benjdid opère un rapprochement avec ses voisins, notamment avec la France mais aussi les autres pays Maghrébins. Dans les années 1980, il entame une politique d’ouverture et fait amender la Constitution pour autoriser le multipartisme. Cela permet l’émergence des mouvements islamistes, qui se regroupent au sein du Front islamique du Salut (FIS) en 1989 et gagnent les élections municipales.
En 1992, face à la montée du FIS, le pouvoir algérien décide d’annuler les élections législatives. Le FIS est dissous et des milliers de ses militants sont internés. Cela plonge l’Algérie dans une longue guerre civile, qui fera plus de 100 000 morts. L’annulation des élections législatives débouchent sur la création du Haut Comité d’Etat (HCE) à qui sont dévolues les prérogatives présidentielles et qui gouverne par « décret-législatif ». Il faut attendre la Constitution de 1996 et l’élection présidentielle de 1997 pour que la fonction présidentielle soit réhabilitée.
En 1998, Abdelaziz Bouteflika, soutenu par le FLN, accède à la présidence du pays. La guerre civile algérienne touche à sa fin. Néanmoins, si l’Algérie retrouve une certaine forme de paix, plusieurs tensions demeurent, tels que les émeutes en Kabylie en 2001 et l’essor de groupes terroristes dont Al Qaida au Maghreb Islamique. En 2019, alors que Bouteflika envisage de briguer un cinquième mandat, des manifestations connues sous le nom de « Hirak » embrasent le pays.
Face à l’ampleur des contestations, Bouteflika se résout à démissionner et l’armée annonce l’organisation de nouvelles élections. C’est Abdelmajid Tebboune, ancien ministre de Bouteflika, qui prendra dès lors les rennes du pays.
Dynamique de la présence historique de l’islam dans le pays :
La présence de l’islam en Algérie remonte au début des conquêtes arabes durant le VIIe siècle pour le compte de l’empire Omeyyade. Les populations berbères commencent à s’arabiser et à se convertir à l’islam à partir de cette période malgré de fortes résistances contre le pouvoir en place. Des grandes révoltes berbères « kharijites » de 739 à 743 aboutirent à la création de nouveaux royaumes musulmans dans la zone nord-africaine (Tlemcem, Rostemide). Le Royaume Rostémide (777-909), qui a gouverné une grande partie du Maghreb central, se distinguera par son adoption de l’Islam kharijite ibadite. Ce courant se distingue des courants Sunnite et Shiite par sa croyance en le fait que les communautés musulmanes sont capables de se gouverner par elles-mêmes, et n’ont donc besoin ni d’un calife ni d’un imam descendant du Prophète à leur tête.
Sous influence Shiite lors de la période Fatimide (909-1171), l’Algérie renoue avec l’Islam sunnite lors des conquêtes Almoravides et Almohades, qui absorbèrent une grande partie du territoire aux XIIe et XIIIe siècles. L’Islam sunnite de madhab (école de jurisprudence) malékite s’imposera désormais en Algérie à l’exception de communautés juive et Ibadite. Ces dernières survivront dans le Mz’abau, au nord du Sahara, jusqu’à nos jours.
Lors de la période Ottomane, le madhab hanafite influencera une partie de la population, mais restera minoritaire. Le système juridique est placé sous l’autorité d’un mufti pour chacun des deux madhab. Ce système sera maintenu lors de la colonisation française.
En 1911, Abdelhamid Ben Badis ouvre une école à la mosquée verte de Constantine. Il fonde en 1925 un journal indépendant « al-Chihab » dans les colonnes duquel il diffuse une idéologie basée sur l’affirmation de l’identité arabo-musulmane de l’Algérie dans le but de recouvrer son indépendance.
Lors de la guerre d’indépendance, le Front de Libération Nationale (FLN) inclut l’islam dans sa doctrine en proclamant qu’elle est partie intégrante de l’identité nationale des algériens.
A la fin des années 1980, une nouvelle formation politique apparait, le Front Islamique du Salut (FIS). Ce parti regroupe plusieurs mouvements islamiques et a pour but d’instaurer un Etat islamique en Algérie. Lors des élections législatives de 1991, les candidats du FIS arrivent en tête des élections avec 82 % des sièges. Cependant, l’armée décide d’interrompre le processus électoral et pousse le président Chadli Bendjedid vers la sortie ; elle dissout également cette organisation politique. Cette décision aura comme répercussion d’engendrer une guerre civile qui durera près de dix ans (1990-2000).
Malgré une politique coloniale qui a largement détruit les structures sociopolitiques et les institutions traditionnelles, le Sufisme fait partie de l’histoire de l’Islam en Algérie et continue d’influencer la société algérienne. Les confréries soufies jouèrent un rôle prépondérant dans la politique algérienne, y compris lors de la période coloniale. A l’indépendance du pays, les confréries Khalwatiyaa, Shadhiliya et Qadiriyya totalisaient quelque 500 000 fidèles. Par la suite, face à la montée des groupes islamistes dans les années 1980 et 1990, le gouvernement décide de promouvoir le Sufisme comme rempart aux mouvements extrémistes.
Constitution et religions, Constitution et islam :
Le préambule de la Constitution algérienne de 1996 (révisée en dernier lieu en 2020) rappelle que la religion musulmane fait partie intégrante de l’histoire et de la culture algérienne.
L'article 2 de cette même constitution précise que l’islam est religion d’Etat. Il est également spécifié dans l’article 178 qu’aucune révision constitutionnelle ne peut porter atteinte à l’islam en tant que religion d’Etat. La constitution prévoit d’autre part la liberté d’exercice des cultes (art. 51).
L’article 76 établit que “Le Président de la République prête serment dans les termes ci-après : “ Fidèle au sacrifice suprême et à la mémoire sacrée de nos martyrs, ainsi qu'aux valeurs éternelles [khalida] de la Révolution de novembre, je jure par Dieu Tout-Puissant de respecter et de glorifier la religion islamique...”
Il désigne également le président et les membres du “ Haut Conseil Islamique”. Ce qui démontre la place primordiale que la religion occupe au sein de l’agencement constitutionnelle. Le Haut Conseil islamique est mandaté pour encourager et promouvoir l’Ijtihâd, émettre son avis sur les prescriptions religieuses et reporter ses activités au Président de la République.
L’Etat assure la protection des lieux de cultes de toute influence politique ou idéologique (art. 51). L’organisation du culte musulman, le financement des lieux de culte et de ses desservants (imams, mufti…), la gestion des biens qui lui sont dévolus (biens Waqf ou Habous), la diffusion des préceptes islamiques (à travers l’organisation de conférences et la délivrance d’avis religieux (fatawa) sont assurés par l’Etat à travers le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs.
Système juridique et judiciaire (grandes lignes) :
Le droit algérien est considéré par la doctrine comme un droit normatif désorganisé ou encore syncrétique. Il s’est en effet construit à partir de la juxtaposition de plusieurs ordres juridiques qui cohabitent en son sein : le système juridique positif français, les normes légales dérivées de l’islam et le droit du développement à orientation socialiste.
Malgré sa rupture radicale avec la France, l’Algérie maintien la législation française en vigueur à son indépendance en 1962 et ce jusqu’en 1975. Celle-ci continue d’influencer à plusieurs égards le système juridique algérien. La disparition des structures juridiques précoloniales et l’influence de la tradition légale française sur le paysage juridique algérien avaient imposé aux élites postcoloniales le maintien de ce système.
La Constitution algérienne de 1996, révisée en 2020, institue un pouvoir judiciaire indépendant.
Le système judiciaire algérien est régi selon un double degré de juridiction avec en première instance des tribunaux et en seconde instance des cours d’appels. Il dispose d’une dualité de juridictions avec un ordre judiciaire distinct de l’ordre administratif.
La Cour Suprême est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire du pays, avec 152 juges organisés en 8 chambres : civile, foncière, sociale, commerciale et maritime, criminelle, délits et contraventions, requêtes, statut personnel.
Des pôles pénaux spécialisés ont été créés en 2004 et représentent un nouvel instrument judiciaire mis en place pour adapter la législation algérienne aux différents engagements internationaux de l’Algérie, tels que la lutte contre le crime international organisé, l’atteinte au système de traitement automatisé des données, le blanchiment d’argent, le terrorisme ou encore les infractions relatives à la législation des changes.
Droit de la famille (grandes lignes, textes principaux) :
Le Code de la famille algérien est adopté en 1984 (loi du 9 juin 1984) puis modifié en 2005. Plusieurs modifications ont été apportées dont les plus emblématiques visent à renforcer les droits des femmes tout en respectant le corpus normatif islamique, qui influence encore majoritairement ses dispositions.
Les modifications les plus notables concernent l’union conjugale qui est à présent définie comme « un contrat consensuel passé entre un homme et une femme dans les formes légales » et la restriction de la polygamie qui est subordonnée à l’autorisation par le président du tribunal du nouveau mariage, après constat du consentement et preuve que l’époux peut offrir une équité parfaite à ses différentes femmes, et donc de justifier de revenus suffisants.
On note également une évolution de la conception du rôle de la femme au sein du foyer familial puisque la nouvelle législation prévoit que la femme et l’homme gèrent les affaires familiales dans le cadre d’une concertation mutuelle (art. 36). L’épouse n’est plus soumise à une obligation d’obéissance à son époux ; les nouvelles dispositions du code instaurant davantage de réciprocité dans les droits et les obligations des deux époux. Pour autant, le nouveau code de la famille n’instaure pas une égalité juridique entre les femmes et les hommes. C’est ainsi que le divorce peut intervenir par la « volonté de l’époux » alors qu’à l’inverse, l’épouse ne peut le demander que dans des cas définis (art. 53).
Droit de la sexualité (relations hors-mariage, homosexualité, pédophilie, viol, avortement, etc.) :
S’agissant des relations hors mariage, l’article 339 du Code Pénal algérien punit l’adultère d’une période d’emprisonnement allant d’un à deux ans. L’article 338 condamne également tout rapport homosexuel de deux mois à deux ans de prison ainsi qu’une amende forfaitaire.
L’article 326 du Code Pénal punit d’une peine de prison allant d’un à cinq ans pour “quiconque enlève ou détourne un enfant de moins de 18 ans sans violences, menaces ou fraude, ou tente de le faire”. Cependant, il est possible pour le ravisseur d’épouser sa victime, ce qui rend impossible toute poursuite à son égard sauf si son mariage est annulé.
L’interruption volontaire de grossesse est illégale en Algérie. Toutefois, la loi ° 18-11 relative à la santé adoptée en juillet 2018 autorise l’interruption thérapeutique de grossesse lorsque la vie ou l’équilibre psychologique et mental de la mère est gravement menacé par la grossesse (art. 77). En élargissant le champ de l'interruption thérapeutique de grossesse par rapport à l’article 72 de la loi 85-05 de 1985 qui n’autorisait l’avortement que lorsqu'il constitue « une mesure indispensable pour sauver la vie de la mère du danger, ou préserver son équilibre physiologique et mental gravement menacé », cette nouvelle disposition constitue une avancée notable.
Bibliographie indicative :
Al-Ahnaf Mustafa, Botiveau Bernard, Fregosi Franck : « Chapitre 1. Contribution à l’histoire de l’islamisme algérien », dans : L'Algérie par ses islamistes. sous la direction de al-Ahnaf Mustafa, Botiveau Bernard, Fregosi Franck. Paris, Karthala, « Les Afriques », 1991.
Babadji, Ramdane. Le syncrétisme dans la formation du système juridique algérien In : Politiques législatives : Égypte, Tunisie, Algérie, Maroc [en ligne]. Le Caire : CEDEJ - Égypte/Soudan, 1994.
Bras, Jean-Philippe ; « La réforme du code de la famille au Maroc et en Algérie : Quelles avancées pour la démocratie ? » In : Critique internationale n° 37, 2007.
Khalfoune Tahar : “Système juridique en Algérie – Un pluralisme normatif désordonné”. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 67 N°2,2015
Labat Séverine : « Islamisme et mouvement social en Algérie », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2003.
Nahas M. Mahieddin : « L’évolution du droit de la famille en Algérie : nouveautés et modifications apportées par la loi du 4 mai 2005 au Code algérien de la famille du 9 juin 1984 », L’Année du Maghreb, II | 2007.Papi, Stéphane. « Le contrôle étatique de l’islam en Algérie : un héritage de l’époque coloniale. L’année de Maghreb VI (2010)