Fiche pays : Mauritanie

Histoire politique et juridique du pays :

Le nom de la Mauritanie est apparu pour la première fois le 27 décembre 1899, constituant ainsi un trait d’union entre le monde maghrébin et le monde noir. La dénomination Mauritanie a pour origine la province romaine désignant le territoire des « Maures », peuple berbère, dans l'Antiquité. Le découpage territorial de la Mauritanie ne correspond cependant pas à celui de l'antique province romaine. Ce territoire a été désigné sous plusieurs dénominations, qui correspondent à différentes régions de l'actuelle Mauritanie et sous celui de Gannar par les Wolofs. Il était plus généralement connu des géographes arabes sous le nom de BiladChinguit, ou provinces de Chenguit (de la cité de Chinguetti). C'est en 1899 que l’expression « Mauritanie occidentale » est utilisée dans une circulaire ministérielle. Ce terme de Mauritanie, utilisé par les Français, supplante progressivement les autres dénominations utilisées pour désigner le pays.

C’est également à l’époque de la colonisation que seront définies les frontières de la Mauritanie actuelle. En 1920, elle est désignée comme appartenant à l'Afrique-Occidentale française, et toute référence à l'Empire de Maroc ou à celui du Soudan disparaît. Saint-Louis est nommée capitale du pays. Le 27 octobre 1946, avec la promulgation de la IVème Constitution française, la Mauritanie devient un territoire d'Outre-mer. A la suite de ce changement de statut, des députés mauritaniens pourront entrer à l’Assemblée Nationale, comme Horma Ould Babana ou N'Diaye Sidi el Moktar. En 1957, la France signe un décret prononçant le transfert du chef-lieu de Saint-Louis à Nouakchott.

Le 28 novembre 1960, la Mauritanie obtient son indépendance, instaurant un régime présidentiel parlementaire qui a connu de nombreux coups d’Etat et périodes de régime militaire. Les dernières élections ont vu la victoire du général Mohamed Ould Ghazouani, dès le premier tour, le 1er juillet 2019, avec 52% des voix. Cette victoire n’a pas été reconnue par l’opposition, qui la qualifie de« nouveau coup d’État » en raison de multiples irrégularités dans le déroulement du scrutin, ainsi qu’à une coupure prolongée d'internet et un déploiement des unités d’élite de l’armée, de la garde et de la police anti-émeute dans toute la capitale, Nouakchott.


Dynamique de la présence historique de l’Islam dans le pays :

L’avènement de l’islam est intervenu avec l’arrivée des berbères Sanhadja. A partir du VIIème siècle, le phénomène arabo islamique atteint cette région grâce au commerce transsaharien des berbères Sanhadja. Ces derniers furent les vecteurs de la religion islamique dans ce territoire. Ils l’adoptèrent dès le VIIIème siècle et s’empressèrent de convertir les noirs. Durant cette période, les coutumes commerciales locales sont remplacées par les principes islamiques.

Si l’on considère que l’Islam est arrivé en Mauritanie au VIIIème siècle, à travers le commerce avec des marchands musulmans, c’est cependant avec la dynastie Almoravide, au XIème siècle, que la religion se propage sur le territoire, supprimant les influences animistes présentes. Une guerre opposant Abu Bakr ibn Umar, un chef de la tribu berbère des Lamtuna et dirigeant de la Mauritanie, avec l’Empire du Ghana lui permettra d’unir les tribus contre un ennemi commun, et convertir le peuple des Soninkés à l’Islam.

Par la suite, durant la période coloniale, la France a encouragé et soutenu l’influence des zaqiya, les tribus religieuses mauritaniennes pour réduire le militarisme et le risque de rébellion.

A son indépendance, la Mauritanie s’est déclarée une République Islamique. Divers présidents, élus démocratiquement ou non, ont renforcé l’influence de l’Islam dans le pays, comme Moktar Ould Daddah, ou encore Mohamed Khouna Ould Haidalla, qui instaurera la Charia dans le pays.

L'Islam sunnite de rite malikite est la religion principale de la Mauritanie. La constitution de 1991 définit la Mauritanie comme étant une république islamique et identifie l'Islam comme la religion de ses citoyens et de l'État. Bien qu’officiellement toute la population mauritanienne soit musulmane, il existe des petites communautés étrangères chrétiennes.

L’Etat considère la religion comme essentielle à l’unité du pays en raison de la diversité ethnique et tribale que connait la Mauritanie. Malgré la forte présence de l’Islam dans le pays, l’islamisme politique est fortement réprimé par le gouvernement, et nombreux membres d’organisations islamistes seront arrêtés et accusés de terrorisme.

Constitution et religions, Constitution et Islam :

L’invocation de la religion est une justification de la légitimité de l’État moderne Mauritanien. Effectivement, le fondement même de la République Islamique de Mauritanie est son rapport à la religion musulmane. Comme énoncé dans la première phrase du préambule de la constitution de 1991 : « Confiant dans la toute-puissance d'Allah, le peuple mauritanien proclame sa volonté de garantir l'intégrité de son territoire, son indépendance et son unité nationale et d'assumer sa libre évolution politique, économique et sociale ».

L’Islam est défini par l’article 5 de la constitution comme étant la religion de l’Etat ainsi que du peuple. Il est important de noter que le pouvoir religieux est lié au pouvoir politique ainsi qu’à la loi. L’article 94 institue auprès du président un « Haut Conseil Islamique » composé de 5 membres. C’est le président de la république qui nomme le président de ce Haut Conseil ainsi que ses membres. De plus, comme énoncé dans le Préambule de la Constitution « …respectueuse des préceptes de l'islam, seule source de droit… ».

L’article 23 précise que le président est le chef de l’Etat et qu’il est musulman. Dans la Constitution mauritanienne, il n’est pas mentionné d’autre religion que l’islam.

Système juridique et judiciaire (grandes lignes) : 

Dans la Mauritanie précoloniale il existait un système juridique coutumier comme partout en Afrique occidentale française. Apres l’islamisation du pays  vers le XIème siècle, la justice cadiale a été  remplacée par la justice coutumière.

Avec l’arrivée des Européens en Mauritanie, le modèle de la justice traditionnelle jugée rétrograde a été substitué au modèle de la justice qualifié de légaliste.

Aujourd’hui, le système juridique mauritanien associe la charia et le droit de tradition civiliste, hérité de l’époque coloniale, malgré le préambule de la Constitution érigeant l’Islam au rang de « seule source de droit ». L’organisation judiciaire se caractérise par une unité juridictionnelle et un double degré de juridiction : juge judiciaire et juge administratif sont confondus dans les cours et tribunaux de premier degré et d’appel, dont les audiences peuvent être foraines.

Les juridictions de premier degré sont implantées dans les chefs-lieux de moughataa (département) et wilaya (région). A l’échelle des moughataa existent les seuls tribunaux de moughataa (juge unique), tandis qu’à l’échelle des wilayas coexistent les tribunaux de wilaya (juge unique), les tribunaux de commerce (juridiction collégiale : 1 président, 2 assesseurs), les tribunaux du travail (juridiction collégiale : 1 président, 4 assesseurs) et les cours criminelles (juridiction collégiale : 1 président, 2 assesseurs, 2 jurés).

Il existe aujourd’hui 42 tribunaux de moughataa, 13 tribunaux de wilaya et cours criminelles, 2 tribunaux de commerce et 2 tribunaux du travail.Il existe aujourd’hui 42 tribunaux de moughataa, 13 tribunaux de wilaya et cours criminelles, 2 tribunaux de commerce et 2 tribunaux du travail, statuant sur les questions pénales, civiles et sociales, commerciales et également administratives.

Les juridictions de second degré sont actuellement implantées à Nouakchott, Nouadhibou, Aleg et Kiffa. Les 4 Cours d’appel mauritaniennes sont organisées en chambres : pénales, civiles et sociales, commerciales et administratives. Celles-ci connaissent en appel et en dernier ressort les jugements et ordonnances rendus en premier ressort par les juridictions de premier degré. A l’exception des chambres pénales, qui statuent en formation de 5 magistrats (1 président, 4 conseillers), les chambres des cours d’appel se composent de trois magistrats (1 président, 2 conseillers).

Organisée en 5 chambres (1 chambre pénale, 2 chambres civiles et sociales, 1 chambre commerciale, 1 chambre administrative), la Cour suprême statue sur les pourvois en cassation formés contre les décisions des Cours d’appel.La Cour suprême juge en dernier ressort et ne connaît pas les faits.  Cette haute juridiction, dont le président est nommé par décret du Président de la République pour un mandat de 5 ans renouvelable, est aussi juge administratif de droit commun. Les conditions pour la saisir sont réputées dissuasives, ce qui affaiblit le contrôle juridictionnel de l’Etat. La Cour suprême remplit enfin un rôle de conseiller juridique du gouvernement.

Toutefois, en matière administrative, la Chambre administrative connaît des premiers et derniers recours relatifs au contentieux administratif. De plus, il peut agir à titre d'organe consultatif auprès du gouvernement, en invitant le gouvernement à se prononcer sur les projets législatifs et réglementaires et sur toute question dans laquelle des dispositions législatives ou réglementaires claires l'obligent à intervenir. Les ministres peuvent également le consulter sur les difficultés juridiques liées au fonctionnement des services publics.


Droit de la famille (grandes lignes, textes principaux) :

Le droit de la famille en Mauritanie estrégi par le code du statut personnel (CSP) de 2001. Ce code prévoit que tout individu de 18 ans révolus peut se marier (mariage hétérosexuel uniquement). Il prévoit également qu’une femme qui désire se marier doit avoir l’accord de son tuteur ; la présence de ce dernier est aussi obligatoire lors du mariage. Si le tuteur ne peut pas se présenter au mariage, il peut mandater quelqu’un d’autre pour le faire à sa place. L’article 14 du code de la famille indique qu’il faut qu’une dote soit fixée d’un commun accord entre les deux parties.

L’article 28 du CSP de 2001 stipule que lors du contrat de mariage, la femme peut « stipuler que son mari n'épouse pas une autre femme, qu'il ne s'absente pas plus d'une période déterminée, qu'il ne l'empêche pas de poursuivre ses études ou de travailler ainsi que toute autre condition non contraire à la finalité du contrat de mariage ». En cas de non-respect du contrat, la femme a le droit de demander une procédure de divorce. De plus, l’ancien époux devra faire un « don de consolation » à son ancienne épouse, d’un montant fixé par le juge (article 29). Ces conditions rendent de fait compliquée la polygamie.

L’époux peut choisir de répudier sa femme, comme prévu par l’article 83. Le mari qui désire divorcer avec son épouse, doit s'adresser au juge ou au conciliateur « Mouslih » pour prendre acte de cette volonté. Le Juge ou le mouslih doit, dans ce cas, convoquer la femme et procéder à une tentative de conciliation. Si le mari persiste à répudier, le juge ou le mouslih enregistre la répudiation et en détermine les conséquences avec l'accord des deux époux. L’article 84 donne le droit à la femme en cas de répudiation de demander un « don de consolation ».

Il est possible de demander le divorce pour d’autres motifs tels que le non-respect du contrat de mariage, l’absence/disparition du mari, si le mari fait le serment de s’abstenir de toute relation sexuelle avec son épouse ou encores’il ne subvient pas à l’entretien de sa femme.

Droit de la sexualité (relations hors-mariage, homosexualité, pédophilie, viol, avortement, etc.) :

La Mauritanie, étant soumise à la Charia, n’accepte pas l’homosexualité ou les relations hors-mariage, qui sont considérés comme des « déviances » punissables par la loi.

Un homme reconnu coupable d’homosexualité peut, en théorie, être condamné à mort par lapidation, mais l’exécution n’est pas appliquée. Une femme reconnue coupable d’homosexualité risque entre 3 mois et 2 ans de prison ainsi qu’une amende de 5000 à 60 000 ouguiyas mauritaniennes.De rares témoignages confirment que les homosexuels ne sont pas condamnés à mort et qu'une vie gay, très discrète, existe à Nouakchott., mais la menace pèse toujours sur la vie des homosexuels mauritaniens. En pratique, aujourd’hui, la peine de mort n’est plus applicable en Mauritanie, car il existe un moratoire sur son applicabilité ; cette peine est en effet le dernier recours en charia islamique, ce qui nécessite la réunion de toutes les conditions légales pour être appliquée et ce qui n’est pas toujours aisé.

Selon l'article 307 du Code pénal de la Mauritanie, entré en vigueur le 29 février 1984, tout musulman majeur de l'un ou l'autre sexe, coupable de crime de Zina (relations sexuelles hors du mariage et avant le mariage)commis volontairement et constaté, soit par quatre témoins, soit par l'aveu de l'auteur, soit, en ce qui concerne la femme, par un état de grossesse, sera puni publiquement, s'il est célibataire, d'une peine de flagellation de cent coups de fouet et d'un an d'emprisonnement.

Toutefois, la peine de mort par lapidation, Tajoum, sera prononcée à l'égard du coupable marié ou divorcé. Dans un journal de Nouakchott datant de 2009, un article précisaitqu’une femme avait été déclarée coupable d'adultère et d'infanticide puis condamnée à l'emprisonnement et à cent coups de fouet.Dans une autre affaire, un couple soupçonné d'adultère a été arrêté.Selon l'Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l'enfant (AMSME), sept femmes avaient été emprisonnées pour adultère en 2009.

Malgré la loi n’autorisant le mariage qu’à partir de 18 ans, des mineurs sont encore susceptibles d’être mariés avant l’âge. La pédophilie, bien que condamnée par la loi mauritanienne, existe encore. Le code pénal mauritanien réprime les abus sexuels, y compris la prostitution, le proxénétisme.

La question de l’exploitation sexuelle des enfants a fait l’objet, en octobre 2003, d’une conférence régionale pour l’Afrique sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme. La Mauritanie a pris part à cette conférence dont les recommandations sont de nature à renforcer la prévention contre l’exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme.

Bibliographie indicative :

Abdel WedoudOuld Cheik, Éléments d'histoire de la Mauritanie, Institut Mauritanien de Recherche Scientifique, Centre culturel français Antoine de Saint-Exupéry, Nouakchott, 1991, 135 p.

Balans Jean-Louis. Le système politique Mauritanien In : Introduction à la Mauritanie, Aix-en-Provence : Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, 1979.

Traoré A. L’Islam en Mauritanie In : Introduction à la Mauritanien, Aix-en-Provence : Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, 1979.