Égyptienne copte, elle défie la charia au nom de l'égalité homme/femme
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Sissi avait décrété 2017 "Année de la femme" en Égypte. Près de trois ans plus tard, les femmes n’ont toujours pas les mêmes droits que les hommes en matière d’héritage. L'avocate Huda Nasrallah s’est donné la mission de faire évoluer la société.
Quand le père de Huda Nasrallah est mort en décembre 2018, c'est devant la justice que cette Égyptienne a réclamé une part d’héritage égale à celle de ses deux frères. Par deux fois, elle a été déboutée. Les juges ont fondé leur décision sur la charia, la loi islamique, qui stipule que la femme n’a droit qu’à la moitié de ce dont hérite l’homme. À ce jour, elle attend la décision de la Cour suprême.
Pour défendre sa cause, l'avocate des droits de l’Homme joue la carte religieuse : elle est copte, et, en tant que telle, affirme ne pas être soumise à la loi islamique. D’autant que la doctrine chrétienne défend l’égalité homme/femme face à l’héritage. Mais en Égypte, c’est la charia qui préside au droit du statut personnel. Autrement dit, au droit de la famille, notamment en matière de mariage et d’héritage.
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C’est moins pour l’argent que Huda Nasrallah se bat que pour le principe. "Je ne me bats pas pour l’héritage en soi. Mon père ne nous a pas laissé des millions", confie-t-elle à AP, "mais j’ai le droit d’être traitée à égalité avec mes frères". Quand son père meurt, il laisse derrière lui un immeuble de quatre étages dans un quartier modeste du Caire et un peu d’argent sur un compte en banque. Un patrimoine que ses frères sont prêts à partager équitablement avec elle. Pourtant, même leur soutien n’y fera rien. La justice égyptienne refuse de faire exception.
Le risque d’un précédent
La question de l’héritage représente un débat houleux dans le monde musulman. L’ancien président tunisien – feu Beiji Caïd Essebsi – avait proposé en 2018 une mesure pour autoriser l’égalité des sexes face à l’héritage. Mais la proposition avait suscité une levée de boucliers jusqu’en Égypte. L’institution Al-Azhar, considérée comme la plus haute autorité de la pensée sunnite, s’était prononcée contre la réforme tunisienne. La question demeure, à ce jour, non tranchée.
"Le sujet dépasse largement les règles religieuses. Cela concerne la nature même de la société égyptienne où le système judiciaire reste misogyne“, estime Hind Ahmed Zaki, professeure de sciences politiques à l’université du Connecticut. “L’inquiétude du gouvernement, c’est que si l’égalité est donnée aux chrétiennes, il ne faudra pas attendre longtemps avant que les musulmanes réclament la même chose.”
De fait, en Égypte, les femmes ont souvent des difficultés à obtenir ne serait-ce que la petite part d’héritage qui leur revient, particulièrement lorsqu'il s’agit de terres ou de liquidités. "Trop souvent, les hommes font tout ce qu’ils peuvent pour priver les femmes de leur héritage", affirme Rafic Khouri, coauteur du rapport de l’ONU sur les femmes et le territoire dans le monde arabe (2017).
Marginalisation économique des femmes
Cette discrimination ne fait qu’empirer la marginalisation des femmes dans la vie économique égyptienne, et plus largement dans le monde arabe, selon Rafic Khouri. Un rapport de l’OCDE (2017) pointe le décalage frappant entre le niveau d’éducation élevé des femmes et leur faible participation à la vie économique dans la région Mena (Algérie, Égypte, Maroc, Tunisie, Libye, Jordanie).
"Le pourcentage des femmes dans la population active [...] des six pays examinés est l'un des plus bas du monde, soit 17,9 % contre 47,1 % pour la moyenne mondiale", peut-on y lire. Sans accès à la terre, sans droit équitable à l’héritage, sans revenus indépendants, les femmes restent à la merci de leur conjoint. Et d’autant plus vulnérables.
Solidaires avec leur sœur, les frères Nasrallah pourraient simplement partager leur héritage avec Huda, à l’amiable. Mais Huda se bat pour une cause qui la dépasse. Elle veut créer une jurisprudence et permettre à toutes les Égyptiennes de bénéficier du même droit. "Si je ne vais pas en justice, qui le fera ?".
Cet article a été adapté de l'anglais par Sarah Leduc. Pour lire l'original, cliquer ici.
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