Égypte : l’égalité en héritage, la victoire de Hoda Nasrallah
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En Égypte, la loi coranique s’applique aussi aux non-musulmans. Un état de fait que cette avocate des droits de l’homme a combattu devant les tribunaux avec l’ambition que l’égalité profite à toutes les chrétiennes égyptiennes.
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« Je suis si heureuse », lâche Hoda Nasralla, le visage fendu d’un immense sourire. Début janvier, cette avocate égyptienne des droits de l’homme a reçu dans sa boîte aux lettres l’arrêté de la cour de justice qui acte sa victoire. Après un combat de longue haleine, son droit à un héritage égal entre frère et sœur est reconnu.
En Égypte, son pays, en vertu de la loi coranique qui s’applique à tous, y compris aux non-musulmans, les hommes touchent deux parts d’héritage quand les femmes n’en perçoivent qu’une. En tant que copte-orthodoxe, elle a réfuté cet état de fait. « L’article 3 de la Constitution stipule que les chrétiens et les juifs peuvent se référer à leur propre législation en ce qui concerne le statut personnel (mariage et divorce notamment) », justifie-t-elle. Son combat acharné a payé. Un tribunal égyptien a fini par lui donner raison, le 24 novembre 2019.
Les clientes se pressent à la porte de l’avocate
La quarantenaire à la longue chevelure noire ne se définit pas comme une combattante, mais comme « une résistante, dans la défense plutôt que dans l’attaque ». Même si œuvrer pour les droits de l’homme dans l’Égypte du président Abdel Fattah al-Sissi confine indéniablement à la lutte.
C’est après la mort de son père, en décembre 2018, qu’elle décide de porter son cas devant un tribunal. Hoda Nasrallah a grandi dans une famille de la petite classe moyenne. Son père, employé du gouvernement, n’a pas laissé de fortune à ses enfants et ses frères sont ouverts à un partage égalitaire entre enfants.
Mais pour la femme de loi, il est impensable de ne pas porter l’affaire devant un tribunal pour avoir l’aval de la justice. « En réalité, il y avait déjà eu un précédent, en 2016. Une chrétienne avait gagné son procès pour son droit à l’héritage, mais l’affaire était passée inaperçue. Je voulais rendre public mon cas, pas pour moi mais pour qu’il fasse jurisprudence et s’applique à toutes. J’ai pensé que ce ne serait qu’une formalité. Mais le juge a refusé de m’accorder ce droit, et rien n’est allé de soi ».
L’avocate s’est alors lancée dans une bataille juridique dont elle est sortie victorieuse. Elle a dû exhumer une réglementation de 1938 régissant le code du statut personnel pour les coptes-orthodoxes, comme il en existe pour les catholiques et les protestants.
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Depuis, les clientes se pressent à sa porte. « Les demandes, très nombreuses, viennent de familles du Caire mais aussi d’autres gouvernorats », souligne-t-elle. Pourtant, des voix s’élèvent contre cette avancée. Notamment au sein de l’importante minorité chrétienne – 10 % des 100 millions d’Égyptiens. « Évidemment, les hommes chrétiens ne sont pas tous satisfaits de cette décision de justice qui dessert leurs intérêts », explique Hoda Nasralla.
Quant aux droits des femmes musulmanes, l’avocate sait qu’en tant que chrétienne dans un pays à 90 % musulman, elle n’a aucun levier d’action. D’autant qu’Al Azhar, la grande institution de l’islam sunnite, avait à nouveau justifié le fondement de l’inégalité coranique en 2017, et clairement condamné, à l’époque, les velléités tunisiennes d’instaurer l’égalité en matière d’héritage.