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Liban - Violence domestique

Pour une protection juridique des enfants... quel que soit l’âge légal de la garde

L’ONG Kafa craint que la sous-commission parlementaire, chargée d’examiner la proposition de loi visant l’amendement de certains articles de la loi 293, ne se plie aux desiderata des communautés religieuses.

Lors d’un sit-in organisé par Kafa, en janvier 2018, pour dénoncer les crimes contre les femmes. Anwar Amro/Archives AFP

L’ONG Kafa, qui milite pour les droits de la femme et de l’enfant, effectue depuis hier sur sa page Facebook un sondage pour savoir si l’opinion publique était favorable à une protection juridique qui engloberait, en plus de la femme victime de violence domestique, ses enfants qui témoignent de cette violence, quel que soit l’âge légal de la garde.

Une question légitime, alors que l’article 12 de la loi 293 pour la protection de la femme et des autres membres de la famille de la violence domestique, stipule que cette protection bénéficie uniquement aux enfants qui sont sous la garde de la mère. Ce qui constitue une « aberration » pour l’ONG Kafa, qui dénonce dans ce cadre « une distinction entre un enfant chrétien et un autre musulman, puisque l’âge de la garde diffère selon les communautés, mais aussi une distinction entre un frère et sa sœur, puisque l’âge de la garde diffère également selon le sexe de l’enfant ».

Pour parer à ce problème, ainsi qu’à d’autres failles de la loi 293 constatées sur le terrain lors de l’application de la loi, l’ONG Kafa avait élaboré, en coopération avec des experts juridiques et le ministère de la Justice, une série d’amendements à cette loi. Ceux-ci ont fait l’objet d’une proposition de loi présentée à la Chambre en novembre 2018 par dix députés représentant les différents groupes parlementaires.

En plus de l’article relatif à la protection judiciaire, le document propose la désignation d’un juge spécialisé à chaque étape du procès et la création d’un département spécialisé dans les violences domestiques au sein des Forces de sécurité intérieure qui couvrirait l’ensemble du territoire. De plus, la femme victime de violence domestique aura le droit de sortir ses enfants de la maison et toute autre personne vivant avec elle, si elle se trouve en danger. En ce qui concerne la décision judiciaire de protection, elle sera émise par le juge spécialisé dans un délai de quarante-huit heures et exécutée par le parquet. Par ailleurs, la personne qui exerce la violence domestique devra obligatoirement suivre des sessions de réhabilitation.



L’intérêt supérieur de l’enfant
Cette proposition de loi est actuellement en examen par une sous-commission parlementaire présidée par Samir Jisr et composée de Roula Tabch, Paula Yacoubian, Samy Gemayel, Chamel Roukoz, Fouad Makhzoumi, Ali Bazzi, Michel Moawad et Bilal Abdallah. Selon des sources proches du dossier, tous les députés n’assistent pas aux séances d’examen du document. Seuls Samir Jisr et Roula Tabch seront présents. Une information confirmée à L’Orient-Le Jour par Mme Tabch, qui a assuré que « tous les articles de la proposition de loi seront discutés de manière scientifique », que « toutes les modifications qui y seront introduites seront meilleures que ce qui existe actuellement » et que « ces modifications seront soumises aux autres membres de la sous-commission qui peuvent introduire leurs remarques ».

Une réalité qui a poussé l’ONG Kafa à agir, en lançant ce sondage sur sa page Facebook, pour sensibiliser à l’importance d’englober tous les enfants dans les décisions de protection judiciaire de la violence domestique, mesure à laquelle s’opposent les différentes communautés religieuses. À travers cette campagne, elle espère aussi faire pression sur les membres de cette sous-commission pour qu’ils ne se plient pas aux desiderata des chefs religieux. « Kafa craint que les articles principaux, qui doivent être amendés de manière à garantir une meilleure protection aux femmes et aux enfants et auxquels se sont opposées les communautés religieuses, ne passent pas, parce que la majorité des membres de la sous-commission n’assistent pas aux sessions », explique à L’Orient-Le Jour Leila Awada, avocate et membre fondatrice de l’ONG.

« Kafa a pris connaissance des remarques faites par les communautés religieuses sur la proposition de loi », poursuit-elle. L’ONG estime que l’article 12 auquel elle s’oppose est important parce qu’il n’est pas logique de faire une distinction entre les enfants selon des critères religieux. « Pourquoi ceux-ci doivent être pris en considération pour protéger un enfant qui témoigne de violence domestique, alors que la loi est civile ? Dans ce genre de loi, les critères adoptés sont purement juridiques et humanitaires. Ils prennent aussi en considération l’intérêt supérieur de l’enfant. »

Me Awada explique dans ce cadre que pour essayer de contourner l’article 12, les juges des référés ont souvent recours à des chartes internationales, principalement à la charte de protection de l’enfant, ainsi qu’aux théories modernes selon lesquelles un enfant qui témoigne de la violence est considéré « comme une victime secondaire et doit par conséquent bénéficier d’une protection ». « En recourant à ces références, les magistrats accordaient une protection juridique aux enfants sans tenir compte de l’âge légal de la garde, constate Me Awada. Pourquoi les parlementaires ne s’appuient-ils pas sur ce même critère politique et sur les jurisprudences internationales pour protéger l’enfant, abstraction faite de l’âge de la garde ? »


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